Marie-Pierre MOYSES

Artiste peintre - 112, r du gal de Gaulle 68240 KAYSERSBERG - Tél : 06 30 76 95 08 - marie.moyses.strack@free.fr

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Le pinceau & la pensée

A propos de 13 toiles de Marie-Pierre Moysès Strack

L’étonnement – coup d’un tonnerre qui tonne en notre regard, notre cœur et notre esprit – fut, cet après-midi –là de mai, ce qui exista d’abord face aux 13 toiles de Marie-Pierre Moysès Strack exposées dans le caveau humide du château inhabité de Thanvillé. Déjà d’y accéder par l’escalier obscur, en angle, de pierre grise, familier certes pour ceux qui autrefois venaient tirer aux tonneaux séculaires de chêne sombre, le pichet de vin doré, mais « un-heimlich » pour celui qui descend là comme on descend l’obscur escalier d’au-delà de la conscience à la rencontre des ombres qui nous habitent, parmi les miroirs qui nous réfléchissent. Etonnement donc d’être arrivé là dans cet antre voûté face à des toiles de très grand format, accrochées à des murs mangés par le temps et ses vineuses moisissures comme s’il s’agissait d’être mis devant le fait de quelque chose de plus grand que l’humainement habitable, quelque chose qui l’excède et qui de l’in-humain nous regarde, nous affecte et nous méduse. Le choix de ces grands formats, leur cadrage, leur sujet et son traitement et leur scénographie affichée sont autant d’éléments qui contribuent à créer une théâtralité délibérée. Et notre étonnement naît de cet écart entre le bien peu de chose de ce qu’est l’humanité devenue, projeté pour ainsi dire dans la splendeur d’un ciel d’opéra, comme si quelque opera mundi pouvait encore être rêvé, représenté ! Le pinceau de Marie-Pierre Moysès Strack mènent enquête, portent quête à l’être en désarroi – en ce sens qu’il est aujourd’hui sans arroi. Elle convoque des codes durs de représentation que sont la danse et l’opéra pour leur conférer une plasticité paradoxale. Ce que fige le trait du fusain et ce qui de la peinture coule dans la saisie. Entre composition et décomposition, elle est pensée qui se cherche. Les visions qu’elle offre à notre regard – on pourrait les qualifier d’expressionnistes au sens où elles sont portées par un excès de vouloir dire, de vouloir écrire une histoire universelle de l’intime – sont visions de corps. Corps de femmes à n’en point douter - dirions-nous - la robe d’un rouge radical qui habite chacune des toiles semble l’attester ! Mais ces corps ont perdu toute traçabilité de genre. Ils sont au bord de l’effacement. Sans visages, sans regard. Seule luit la chair translucide des crânes, des bras et des mains. Mélancolie devant la splendeur putréfiée d’un monde disparu ? Ou promesse jubilatoire de la chair lumineuse d’une virtualité d’être, demain ? Car entre l’avarie de la chair des corps, des étoiles et des astres, l’implosion des cerveaux et de l’esprit et les postures chorégraphiées, il y a comme une question qui tire : la décomposition de l’humain en tant que genre comme question centrale ici traitée dans une surenchère des composition picturale. Comme si le flagrant délit de peinture pouvait rendre visible le « flagrant délit d’existence », alors que la nuit du monde dans lequel l’humanité aujourd’hui réside n’est promesse d’aucun matin …

Daniel Boch, Juillet 2008